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Severiano de Heredia (1836–1901), figure méconnue et pourtant centrale de l’histoire politique et républicaine française. Homme érudit, né à Cuba en 1836, d’un riche planteur créole et d’une fille d’esclave, il fut le premier homme noir à occuper la fonction de président du Conseil municipal de Paris, -équivalent à celle de maire - ce qui en fait le premier noir maire de France, avant de devenir député radical et ministre de la République. Un parcours d’exception dans la France du XIXe siècle. Arrivé en France à l’âge de dix ans, son père ayant interdit dans son testament que son fils soit conduit dans un pays où l’esclavage n’avait pas été aboli, il est élevé dans une famille parisienne bourgeoise au niveau intellectuel exigeant. Élève brillant du lycée Louisle-Grand, amoureux des lettres, cousin des poètes José-Maria de Heredia et José Maria Heredia, il choisit la voie de l'engagement dans une société en pleine mutation. Alors qu’il était encore de nationalité cubaine, son intégration dans la société française est portée par un engagement maçonnique dans une loge parisienne où il soutient le combat abolitionniste de ses frères à cubains. Naturalisé français en septembre 1870, il restera toujours très attaché à ses premiers combats et à ses racines cubaines. Cependant la politique française l’appelle. Sa carrière est impressionnante : conseiller municipal, président du Conseil de Paris en 1879, député en 1881, et ministre des Travaux publics en 1887. Il milite pour l’école publique, gratuite et laïque, préside l’Association philotechnique succédant à Victor Hugo. Il initie la création des premières bibliothèques municipales, puis supervise en tant que ministre les travaux de la tour Eiffel, côtoie Jules Ferry, Léon Gambetta, Raymond Poincaré, les artistes et intellectuels de Paris et de la France, il sera l’une de ces personnalités qui participent à l’édification d’une III° république naissant Né dans une société encore fondée sur ces hiérarchies raciales, obligé de fuir un pays face à la chasse aux nègres du milieu du 19 e siècle dans un Cuba esclavagiste, il subira des décennies plus tard les préjugés racistes et ayant lui-même été traité de « ministre chocolat » ou de « hidalgo de pain d’épice ». Une Troisième République qui fut aussi celle de l’expansion coloniale. C’est à la Conférence de Berlin (1884–1885), que les trois empires européens se se partageront le continent africain, annonçant le temps d’un colonialisme moderne et très racialisé. Presque unique représentant d’une diversité balbutiante dans une Europe figée dans ses conquêtes coloniales et ses vues impérialistes, Severiano de Heredia, seul ministre noir d’Europe, reste un symbole fort de diversité. Il dut s’imposer dans une République qui associait la couleur de peau à l’infériorité juridique et sociale, homme noir dans une société qui en faisait une discrimination, il réussit à participer aux plus hautes fonctions de l’État et de représenter l’idéal universel d’une République fondée sur le mérite, sans distinction de race ou d’origine. Cependant, poussant toujours plus loin l’infériorisation des personnes de couleur, la société, les médias et les politiques en premier, réussira à effacer de notre mémoire collective Severiano de Heredia ce citoyen français et universaliste. Un abandon jusqu’en 2011 avec la parution du livre de l’historien Paul Estrade puis la décision du Conseil de Paris de dénommer en 2013 une rue Severiano de Heredia dans le 17 e arrondissement de Paris. Son histoire témoigne d’une mémoire oubliée, celle des personnalités descendantes d’esclaves africains ayant contribué à la construction de notre pays, et de notre démocratie
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